Eating like a local is about immersing yourself in shared moments - Mr Linh's Adventures
On te l’a sûrement déjà dit. Pour vraiment comprendre le Vietnam, il faut « manger comme un local ». C’est une phrase facile à prononcer, mais qui cache un monde de complexités et de petits mystères, un peu comme le fond d'une soupe. Le voyageur, muni de son appareil photo et de ses illusions, pense que cela se résume à ingurgiter quelques plats exotiques. Pauvre âme. En vérité, c’est une affaire d’étiquette, d’histoire et de réflexes. Suis-moi, je t’explique !
La rue, temple de la gastronomie
La rue, tu vois, n'est pas un simple lieu de passage. C'est le cœur battant, le grand orgue, l'âme même de la gastronomie vietnamienne. C'est là que se trouve le véritable cœur de la gastronomie vietnamienne. Oublie les restaurants touristiques et fonce vers les petites échoppes de rue. Tu les reconnaîtras facilement à leurs minuscules tabourets en plastique et à la foule de locaux qui s'y pressent. Manger dans la rue, c'est une immersion totale. Les plats sont préparés devant toi avec des ingrédients ultra-frais. C'est aussi là que tu trouveras les prix les plus bas et que tu pourras échanger, ne serait-ce qu’avec un sourire, avec les locaux.
Tiny street stall, emblem of street food in Vietnam - Mr Linh's Adventures
On me demande souvent pourquoi manger en mode dinette au Vietnam...
Les chaises et les tables si petites sont l'une des premières choses qui frappent. La culture vietnamienne, influencée par le confucianisme, valorise le respect de l'espace et la modestie. Manger à une hauteur basse rappelle l’humilité et favorise la convivialité autour d’une même surface. D’un point de vue pratique, il s’agit tout simplement d'une ingénierie de la survie en milieu urbain. Les tables, grandes comme une boîte à chaussures, permettent aux vendeurs de maximiser l'espace, et s’empilent en un clin d’œil si la patrouille de la ville, redoutée de tous, décide de faire un tour. Pour ne pas te tromper, suis la foule : un stand bondé est toujours bon signe ; c'est la garantie d'une bonne qualité et d'une rotation rapide des produits. Si la barrière de la langue est un problème, pointe simplement du doigt le plat que tu souhaites.
Les trois repas du jour
Sans surprise, ici aussi, on a trois repas principaux : le petit déjeuner, le déjeuner et le dîner.
Le petit déjeuner se prend très tôt, souvent avant 6 heures. Pas question d’avaler un croissant ou un café au lait. Ce sera plutôt des plats salés et épicés, comme le Cháo Gà (soupe de riz et poulet), le Bánh Bao (pain farci à la viande), ou encore un Phở ou des "raviolis blancs" (Bánh Cuốn). Il y a aussi une multitude de préparations à base de riz gluant, enveloppées dans une feuille de bananier, qu’on appelle Xoi.
Le déjeuner continue de sentir bon dans les rues vers 11h30. Le plus souvent, c’est un plat unique, énergétique et parfumé que l'on prend au bureau, que l’on ait apporté son repas, commandé une livraison ou fait une vraie pause dehors. C’est l’occasion de déguster un plat à base de viande (porc, bœuf, poulet, canard), accompagné de tofu, de légumes et de beaucoup d’herbes. En vrac, mes préférés sont le Bún Chả auquel on peut ajouter des Nem Cua Be, le Chả Cá, le Bún Cả (poisson grillé) et, pour les grands jours, les fondues (Lẩu) aux combinaisons infinies.
Quant au dîner, on le partage en famille ou entre amis, en commandant plusieurs plats que l’on place au centre de la table. Le riz est la base de presque tous les repas
Enjoying a morning Pho in Hanoi's Old Quarter - Mr Linh's Adventures
Les règles de survie du voyageur à table
Manger comme un local, c'est aussi adopter les habitudes locales. Les coutumes tacites pour manger sur le trottoir sont simples et indulgentes, surtout pour les nouveaux venus.
Pourquoi essuyer ses couverts ?
Tu verras souvent les locaux donner un coup d’essuie‑tout rapide sur leurs baguettes, cuillère, voire même leur bol, avant de commencer à manger. C'est une habitude qui peut surprendre au premier abord, mais qui s'explique par une simple raison d'hygiène. C'est une façon de s'assurer de la propreté des ustensiles, même si ceux-ci sont fréquemment lavés. De plus, il est de coutume que ce soit le plus jeune à table qui essuie les couverts de ses aînés, démontrant ainsi une belle marque de respect.
La coutume du cure-dent
Ne sois pas surpris de voir des cure-dents apparaître sur la table en fin de repas. Au Vietnam, c'est une coutume totalement normale et polie, souvent faite en couvrant la bouche avec une main. D'ailleurs, on ne le donne jamais de main à main. On le pose sur la table pour que la personne se serve.
La règle "manger d'abord, payer plus tard"
Passe ta commande, puis choisis ta propre table et le tabouret assorti. Une fois le repas terminé, pose tes baguettes sur le dessus de ton bol. Pour payer, demande le total avant de partir. Là, il te suffira de dire "tính tiền" en agitant la main (l'addition, s'il vous plaît). Ne t’attends pas à une addition écrite, il est normal de faire confiance au vendeur qui a l'habitude de tout retenir. C'est une affaire de confiance, une foi dans le système qui serait bien utile ailleurs, sous d’autres cieux.
Eating local food like a local - Mr Linh's Adventures
Les baguettes ont une âme
Ne plante jamais tes baguettes à la verticale dans ton bol de riz, sauf si tu tiens à inviter les âmes errantes à ta table – ou, plus vraisemblablement, des convives fortement embarrassés. C'est un geste associé aux offrandes funéraires et cela est considéré comme un signe de très mauvaise chance.
Le partage, c’est la vie
Au restaurant, on commande plusieurs plats que l'on place au centre de la table pour un partage collectif. Le riz est la base de presque tous les repas et chaque personne a généralement son propre bol de riz.
L'étiquette de la table
Les repas sont des moments conviviaux où l'on sert d’abord les aînés, qui commencent à manger en premier. On n'attend pas de dire "bon appétit". On attend simplement que le chef de famille ait donné le top départ. Il est poli de laisser un peu de nourriture dans son assiette pour montrer que l'on est rassasié et que l'on n'a plus faim.
Conseils pratiques
On oublie la notion occidentale d'entrée, plat et dessert. Ici, on mange tous les plats en même temps, et il y a très peu de desserts. Si tu es invité et vraiment très poli, sers-toi du bout opposé de tes baguettes (côté "manche") pour faire glisser piments et autres bidules plus ou moins identifiés. C'est aussi ce qu'on fait si on a la crève. Et n'essaie pas de choisir quel plat manger en premier. Ce sera très certainement celui que tu pensais être un dessert.
Did you ever tried Bun Ca ? Mr Linh's Adventures Team
Manger, une histoire de vie
Manger au Vietnam, ce n'est pas un événement singulier, mais une série d'instantanés. C'est le bol matinal de Phở, qui te fait découvrir le "goût du matin" de la rue. C'est le Bánh mì du midi, qui rappelle que le pain autrefois réservé aux élites aurait été "décolonisé" par les jeunes (dixit une légende urbaine…). Et c'est le Chè à la nuit tombée, cet en-cas délicieusement régressif comme un dernier rappel de l’enfance.
Manger comme un local, ce n'est pas seulement une question de goût. C'est un fil conducteur qui relie les générations, les petites conversations et les rituels de gratitude.
Je vais te raconter une anecdote, mes premiers bánh cuốn. Elle m’avait fait entrer et m’asseoir, le temps qu’elle les prépare. Un chat si maigre qu’on aurait dit un écureuil est venu s’installer sur mes genoux, sous les sourires d’un gamin qui m’observait, amusé, ingurgiter un thé qui décollerait n'importe quel carrelage. Je me sentais bien. Surtout que ça faisait déjà un certain temps que mes notions de salubrité en milieu de restauration étaient décédées subitement en voyant une jeune faire la vaisselle sur le trottoir, pendant que sa grande sœur saignait un poulet avec la grâce sadiquement désinvolte de celle qui va en tirer un bon prix.
Oui, je me sentais bien, à tenter de baragouiner quelques mots de vietnamien pendant que la boutonneuse de service rosissait en tentant un 'hello !' timidement effronté. J’étais hypnotisé par le ballet fascinant de la mère qui étalait la pâte des bánh cuốn sur l'osier, tout en houspillant son homme endormi (Il vient de tomber de la mezzanine, consécutivement à un tonitruant ‘Anh Oï !’ qui aurait réveillé la libido de Jeanne d'Arc elle-même si elle avait décidé de passer quelques vacances ici au lieu de se prendre une cuite restée célèbre). Puis elle m’a demandé si je voulais une sauce avec - oui, je veux bien. Elle avait un tel sourire que tu en oubliais qu'elle avait un œil qui rinçait le riz pendant que l'autre triait les herbes.
If you don't know how to order, just point the dish you want - Mr Linh's Adventures Team
Manger comme un local, c’est s’immerger dans ces moments partagés, où chaque plat porte une histoire et chaque cuisinière-vendeuse devient gardienne d’une mémoire culinaire.
C'est la meilleure façon de vivre le Vietnam de l'intérieur.